Soleil fixe / bleu / comme une femme qui court

Comme la bouche d’été à peine tombée des arbres

Fixe devant

Les ombres, devant les voix qui s’en vont

Fixe devant / le soleil bleu

Et la nuit à bout d’ongle

Et le point levant

On ne reviendra

Pas dire ce que la marche amnésie de soi

Ce que la pierre fissure

Sous les genoux du père, ce qu’on ne retient pas

On ne reviendra

Pas remuer le sel des corps recrachés

Entremêlés doigts à doigts

Pas tracer de carte mémoire avec la pelure de nos poids

On ne reviendra

Pas / fixe / comme les croix des clôtures

Comme les granges nues courbées par l’ardoise

Brûlée, et les jours qui gargouillent

On ne regardera

Pas le pays abandonné avec les sacs de billes

On ne racontera ne regagnera

Pas ce qui a précédé le voyage

Que devant / devant

Le soleil comme une mer qui s’ouvre

Comme l’enfantement

Les pieux des tentes dans le sable

Et nous bruissant

Comme des navires de bois

Devant le soleil roi qui se prétend citerne

Bu à la gorge

… / Et toi

Qu’as-tu pris dans tes poches

Qu’as-tu pris, oui

De la mère pieds nus sur le carrelage froid

Des attentes tatouées et des cailloux laissés

A la consigne, as-tu peur encore

Toi / as-tu emporté ton nom

Autour du cou, en métal, ou dans la chair de ton bras

Qu’as-tu

Que le soleil ne délave pas /…

Il n’est plus que terre vive

Contre soi, le flanc plein de son roi

Sans pourrissement sans gerçure

Seulement le monde

En écorce, seulement

Réapparition / Et toi

Qu’es-tu venu remuer ou perdre

Que crois-tu épouser dans tes pas

/ Là / Où il n’est seule beauté que l’eau sans visage

Où il n’est d’autre mot que toi

Le carton a été mâché par la pierre

Sais-tu

La nuit a retiré ses bras

Elle laisse l’ombre à l’enfant que tu aurais pu être

Et s’incline / fixe / devant 


 



Entends ce bruit, ce crépitement de bois

C’est le cerf noir qui cède

Malgré les juifs des cheminées et les gitans semés

Pour rien

Malgré les flocons que l’on croyait saufs entre nos dents

Parmi les pins trop nus, peuplés d’ombres sauvages

Qui grimacent comme des feux de forêts

Comme l’hier des autres qui n’en finit jamais

Et nos doigts crampons jetés sur les cages

En vain

Leurs épopées de sueur et de papier

Leurs rides muettes au retour de voyage

Et les pertes en chemin

L’enfance égrenée dans l’auge

En attendant

Mais rien

Qu’une étincelle dans la nuit

Le bruit du cerf qui s’effondre, et le matin.

 


Minuit peau nue peau noire comme les blés

Suppose

d’autres vergers au travers des fenêtres

d’autres lunes de pierre balayant les crachats

des fredonnements encore bleuis d’enfance

raccommodés, suppose

la clameur éblouie d’un nulle part qui t’espère

Suppose qu’on ait

Suppose une heure

une nuit à rompre avec les doigts